LE FOUET & LA PLUME
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Les mots écartelés : Les Maitres maux

14/6/2025

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Le liquide noir fumant coule en diffusant le parfum d’un réveil tranquille. Le matin paisible resplendit de petits cris d'oiseaux et de l'odeur de l'herbe coupée qui s'exhale par le truchement de la rosée matinale qui s'évapore.

Mouais.

Il y a toujours un moment où l'on bouscule sa tasse de café et qu'une grosse goutte vient s'étaler par terre. Il faut se pencher, essuyer. Et au moment où l'on se relève, on se cogne la tête contre la table.
Pas très fort. Juste suffisamment pour s'énerver.

Et ce petit choc révèle une phrase dans mon esprit : Nisi sui, nullus dominus. Nul maître, sinon de soi.

Car, oui, il faut arrêter de s'auto-proclamer maître surtout quand on est seul. En 2025, c'est juste dépassé, has been, rétrograde, ringard, ridicule.
Et pas parce que tout le monde renverse son café.

Tout d'abord, on le rappelle, il n'y a pas de grades officiels de quoi que ce soit dans le BDSM. Même le terme BDSM n'est pas une dénomination officielle. C'est juste un amalgame de pratiques plus ou moins compatibles qui soit oublie les fétichismes, soit en couvre trop. Bref, aucun diplôme ne permet de se targuer d'être "maître". Maître, avec ou sans accent circonflexe, c'est surtout avec un accent prétentieux.

Bon, reprenons depuis le début.

Étymologiquement, "maître" vient du latin magister "celui qui sait plus" qui désigne l'enseignant, la personne qui a le savoir. Dans les arts et métiers, le titre de "maître" est attribué par les pairs, après qu'ils aient évalué les compétences, validé un travail. Cette reconnaissance est donc collective ou issue d'un processus. C'est ce qui garantit qu'un "maître" n'est pas un charlatan. Mais pas de règles établis du BDSM, pas d’école du BDSM. Pas  d’école, pas de diplôme.  Pas de diplôme, pas de maitre. Pas de maitre…Pas de maitre.

Dans le BDSM, ce n'est plus la logique du magister mais celle du latin dominus qui évoque le maître de maison, celui qui commande chez lui. Et c'est surtout en prenant des responsabilités que l'on devient dominus. Et contrairement aux domaines traditionnels où les pairs valident la maîtrise, ici la seule personne habilitée à octroyer ce statut, c'est celle qui choisit de se soumettre. Point barre. Et si on force ce titre, on n'est guère qu'un dom minus et surtout un dictateur, ce qui n'est donc pas un maître.

Mais qu'en est-il de ceux qui nous ont tant apporté ? Ceux, je devrais dire Zeus, qui nous ont apporté la démocratie, les jeux olympiques, les abdos des Spartiates et surtout la sodomie comme outil d'éducation des jeunes apprentis ? Les Grecs, oui.
Chez eux, pas encore de magister pour se la jouer "maître". Ils ont trois termes principaux : kyrios, despotes et epistates. Le kyrios, c'est le maître de maison. Celui qui gère femme, enfants et représente tout ce petit monde légalement. Une autorité domestique et sociale, un petit cran au-dessous du dominus latin ceci dit. Le despotes, lui, c'est le degré au-dessus : un pouvoir absolu mais que seul l'esclave peut attribuer à son propriétaire. Et enfin, l'epistates concerne les magistrats et superviseurs, le côté administratif.
Contrairement aux Romains qui distinguent celui qui sait (magister) de celui qui possède (dominus), les Grecs n'ont pas développé de terme spécifique pour la maîtrise pédagogique. La légitimité vient toujours de la reconnaissance par la famille pour le kyrios, par l'esclave pour le despotes. Même les Grecs ont pigé qu'on ne se proclame pas maître tout seul dans son coin et c'était il y a 2500 ans.

Quand on fait le tour du monde de la maîtritude, c'est la même chose : aucun statut n'est auto-attribué. Même le Christ Cosmique et Raël ont reçu leurs grades d'entités extraterrestres officielles, c'est pour dire. Du shifu chinois au sensei japonais en passant par le guru. Toutes ces personnes n'existent que grâce et au travers de celui qui apprend, qui obéit aux instructions. C’est universel. Il n'y a que dans la famille BDSM qu'on voit des profanes s'auto-proclamer maître, meister, magister, maestro, master etc.
Le "maître" ou la "maîtresse" BDSM n'existe que par et pour la reconnaissance de sa soumise ou de son soumis. C'est elle, ou lui, ou iel, qui, en acceptant d'obéir, crée cette relation de pouvoir. Sans cette désignation libre et éclairée, le terme est juste une posture narcissique, voire une imposture égocentrique.

Alors, oui, petit bémol. Ma soumise me susurre avec dévotion mais aussi une forme de sagesse que certaines personnes utilisent le mot "maître" en ayant le sens d'enseignant bienveillant et sans être pour autant égocentrique. Certes. Mais cela n'empêche pas que son utilisation est fausse quand on n'a pas de soumis ou de soumise parce qu'il nous faut au moins un élève pour être un maître.

Donc, on ne devrait pas s'auto-proclamer maître dans le BDSM. Même pour vendre ses services.

Maître de soi ce serait déjà pas mal. Maître de quelqu'un c'est un privilège et une responsabilité.

En substance et en conclusion, j'envoie un message à tous les béotiens et béotiennes : quand vous croisez une fiche, un message et, encore pire, un pseudo avec le mot maître ou maîtresse ou assimilé mais surtout auto-attribué, il vaut mieux s'en détourner. Éventuellement les pointer du doigt et remonter le col de sa chemise d'un geste sûr et décontracté en reprenant la phrase de James Bond quand il tue Kananga dans Vivre et Laisser Mourir : "Il a toujours fait preuve d'une insupportable enflure du Moi."

Les réseaux regorgent de dénominations. La plupart sont à mon sens ridicules car elles confinent à découper en petits morceaux chaque parcelle du BDSM sans l'enrichir vraiment, juste pour se sentir et se présenter comme unique. Tout cela n'est que de l'ego.

On devrait avant tout rester sur 3 catégories. Dom, soum, switch. Et encore… switch est un état transitoire mais reste acceptable. Et, on y reviendra plus tard : on peut se dire soumise. Cela ne veut pas dire que l'on est soumise à n'importe qui.

Le reste des étiquettes ne sont qu'étalages de pratiques. Par exemple : j'aime me définir comme "pleasure dom". Ce n'est pas un statut, c'est une explication en deux mots du style de dom que je suis. Mais je suis avant tout un dom.
Pareil pour tous les autres mots qui semblent définir un dom : de primal à sadique en passant par shibariste ou fesseur. C'est ce que vous faites, pas ce que vous êtes.

Donc : pas de maître ou de maîtresse. Juste dom, soum, switch.

Et je vais me refaire un café.

On ne vide sa tasse que deux fois.
Mouahahahahah.

Ethan
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    Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge.
    Le sérieux côtoyant dérision et érotisme.

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