![]() Les rencontres agréables sont quand même assez rares dans le BDSM. Je dis cela alors que j’ai plutôt tendance à rester dans mon coin. Un peu fainéant, ratant des dates qui conviennent rarement ou trop loin géographiquement. En plus, comme je l’ai déjà mentionné, ma soumise et moi vivons à distance et avons des responsabilités parentales. Donc pas facile et surtout frustrant car nous aimerions avoir des discussions, des débats, voire plus avec de vraies personnes. Il est donc extrêmement rare que le hasard fasse bien les choses. Enfin rare… Quand on se rend dans un bon love store, il y a des chances qu’on croise de bonnes personnes… En vacances pour quelques jours dans le sud de la France avec ma soumise et néanmoins compagne. Je veux absolument lui faire visiter le love store où quelques années auparavant j’avais acheté son premier collier. La propriétaire à l’époque m’avait prévenu qu’elle allait céder son fonds de commerce. Donc, nous nous rendions à la boutique sans a priori. Dès l’entrée, la sensation positive reste la même que la première fois : c’est grand, voire plus grand qu’avant, très clair, très bien rangé. C’est le gérant qui est derrière la caisse qui nous reçoit avec courtoisie. Cette courtoisie difficile à équilibrer entre politesse et discrétion.
J’en profite pour faire une aparté (ça change). Ces derniers mois nous avons écumé, et je dis bien écumé, la plupart des love store d’Ile de France. Croyez-moi, ils ne sont pas si nombreux que ça sans compter que les tenanciers et tenancières ne savent pas mettre à l’aise. Hormis Démonia qui fait figure d’exception, les love stores plus classiques ne sont pas du tout affriolants. J’ai souvenir de ce gérant qui tient une boutique sur 2 étages. Le second étant réservé aux habits et il nous a demandé expressément de ne rien essayer sans qu’il soit là (parce que c’est le jour de congé de sa vendeuse). Certes il connaissait son boulot et il avait le compas dans l’œil pour les tailles. Mais son phrasé était plus proche du crieur de marché du mercredi que du tailleur de sa majesté. Il faisait des allers/retours sans cesse pour surveiller le rez-de-chaussée, nous figeant un peu dans l’essayage. Le gars était compétent mais trop stressé par la fauche potentielle. Ce que l’on peut comprendre. Mais notre passage fut au final désagréable. Il fut néanmoins presque le meilleur accueil que nous ayons reçu par rapport à d’autres. Un par exemple qui cumulait peu d’accessoires et une vendeuse trop jeune qui n’y connaissait rien (en plus d’en avoir rien à foutre mais c’est plus chaud que caissière à Auchan). Ou celui dans lequel nous avons pourtant nos habitudes avec un choix bigarré où le meilleur trop cher côtoie la mauvaise qualité avec un vendeur qui fait juste semblant de connaître ses produits. Ou même ce love shop de Paris intramuros, à la déco violette, au nombre d’articles extrêmement limité mais surtout d’un prix effarant par rapport à leur qualité. Oui, dans ce genre de boutique hype on ne dit pas produit ou accessoire on dit “article”. On ne dit pas lubrifiant, on dit “huile aquafère à effet coulissant”. On ne dit pas “soutien-gorge en dentelle”, on dit “brassière ajourée avec armatures pour poitrine généreuse”. On ne dit pas, houlà la, non surtout pas, gode ou sex-toy. On dit “compagnon vibrant à action pénétrante ou aspirationnelle (ou les deux)”. Nous sommes reparti bien vite non sans, par politesse, avoir fait l’acquisition d’encaustique parfumée moyen orientale pour sismothérapie chaude (Une bougie de massage mais chut). Mieux vaut se rendre dans ce cas dans ce supermarché sur 3 étages, pas loin de Pigalle. Avec un sous-sol entièrement dédié au BDSM. Plus de 200 mètres carrés de cuir, skaï et acier. Certes rempli comme la caverne d’ali gagball mais avec aucun génie pour conseiller. Un seul caissier, planqué à l’ancienne dans sa guitoune au rez-de-chaussée et qui donne l’impression de s’ennuyer ferme. Quand on lui demande un conseil, on voit clairement dans son regard qu’il cherche un moyen de monnayer ses informations. Du coup, je ne suis même pas reparti avec un lubrifiant à la lidocaïne : - Vous voulez dire un truc pour la sodomie, c’est ça ? - Non pas nécessairement. C’est plutôt pour l’impact. - L’un quoi ? - On va y aller, nous… Mais il y a pire, il ne faut pas se plaindre, celui-ci était presque propre. Pas comme la boutique miteuse près de la Gare du Nord, ou une autre dans la presqu’île de Lyon et une autre encore à Grenoble qui ne méritent pas le terme “love” mais seulement “sex shop”. Ceux à l’ancienne, avec l’enseigne discrète et sale, l’entrée cachée par un rideau de lanières noires. Ceux qui ont encore des cabines vidéos avec une moquette élimée et qui sentent le rance. Sur leurs étagères le ridicule côtoie l’immonde. Inutile de demander conseil au vendeur qui transpire l’ennuie et la cigarette et qui ressemble au père Fourremoi de Fort Bouillave. Je me met à sa place. Si je croupissais toute la journée dans 20 M2 pour laisser passer des mecs planqués dans leur gabardine, c’est sûr que j’aurai l’impression de toucher un peu le fond de la société. On ne peut rien trouver de glamour quand on travaille à ce niveau. Et quand on voit un couple débarquer avec les yeux qui pétillent pour s’encanailler ou acheter des accessoires, il a juste envie de dire “mais cassez-vous, l’amour ce n’est pas ici. Ici c’est la misère sexuelle. Il n’y a rien ici qui va vous tirer vers le haut.” Oui, définitivement, fermons ces établissements d’un autre âge. Surtout à l’ère de Youporn, on se demande pourquoi et qui va encore dans ces établissements. Aparté dans l’aparté, j’ai cependant fait encore plus glauque sans me faire trancher la gorge. A la fin des années 80, j’errais dans les rues de Manhattan . Le petites rues adjacentes de Time Square perdent rapidement de leur superbe. Vers l’Est on tombe rapidement sur les grands immeubles de bureaux et les grands hôtels. Mais du côté Ouest, même les sorties des artistes des pièces musicales ne s’ouvrent plus. Dans ces petites rues s’ensuivent liquor store, vendeur à la sauvette de bijoux volés, salle de cinéma porno, vendeur de shit. Un jour de pluie torrentielle comme seule New York sait les faire, je me suis payé une place dans un cinéma porno. Ouais. La salle de cinéma était toute petite. Je ne me rappelle même pas une seule image du film tellement le sentiment d’insécurité régnait. Il y avait une quinzaine d’hommes de toutes ethnies, tous plus vieux que moi. Toute le monde se regardait les yeux exorbités se demandant qui était quoi. Un junkie, un suceur, un sucé, un exhibe, un masturbateur…Mais c’est aussi surtout l’odeur âcre de la transpiration, de la cigarette et du sperme qui prend à la gorge. Je ne suis pas resté longtemps. Juste suffisamment pour montrer que je ne fuyais pas, que j’avais maitrisé l’endroit. Je suis parti furtivement en me demandant qui pouvait se sentir à l’aise dans un endroit pareil. Il n’y a guère que des laissés pour compte, ceux qui n’ont plus rien. C’était une version des bas-fonds. Car ils sont nombreux, selon la ville, le pays. Ou peut-être qu’ils se ressemblent tous. Ces endroits, comme des impasses sombres où les humains deviennent des cafards : ils survivent sans même plus se demander pourquoi. Alors quand on rentre dans un love store lumineux et propre, avec des étagères remplis d’accessoires sympathiques, des portants regorgeants d’habits de bonne facture, le tout encadré par un manager au ton juste. Oui. Là on se sent à l’aise. Là, oui, on reprend espoir dans le fait que la sexualité assumée est certainement une façon de vivre pleinement. Mais ce n’est pas l’étalage des produits, ni la manière de les vendre qui nous intéresse ici mais bel et bien les propriétaires en eux-mêmes. Car ils sont deux, un couple, un homme et une femme. Ils sont à la fois charmants et professionnels et une fois que l’on déverrouille les bonnes serrures, la convivialité nous a envahi. Il sont bien bien dans leur peau et pétillants. Ancrés dans l’instant présent et vivant leur passion avec réalisme. C’est à dire que gérer une boutique de ce genre n’est pas toujours évident. Car, oui, il y a toujours des visiteurs un peu timbrés qui pensent qu’un sex-shop c’est sulfureux et qu’on peut donc tout se permettre. Il reste encore beaucoup à faire en terme d’éducation. Mais apparement ce ne sont pas les aléas qui entament l’enthousiasme et le le professionnalisme de nos deux gérants. Sauf que ce jour-là, nous n’avions envie de rien. Aucun article ne semblait mieux que ceux que j’avais déjà à priori. Certes, au niveau habit, quelques modèles attirent notre attention. Après avoir fait le tour, j’arrive à la caisse avec un pauvre bandeau. Je me permet de lui dire que nous sommes “dans le bdsm” et que j’ai presque tout ce qu’il y a en boutique déjà. Je me sens jaugé rapidement et d’un air entendu, en baissant légèrement la voix il me dit “je peux vous montrer des accessoires que vous n’avez jamais vu de votre vie”. Je réponds avec jovialité mais aussi un regard de défi que je serais très heureux de voir cela. Et voilà qu’il part en arrière-boutique et il y retournera plusieurs fois pour ramener des trésors un par un. Et ce fut effectivement le festival. Pour vous la faire courte, nous sommes reparti avec non seulement pas mal de nouvelles informations mais de très jolis accessoires. 2 belles robes pour ma soumise, une paire de chaussures de pute de marque Pleaser (la préférée des Pole danseuses entre autres). Et pour moi, deux magnifiques martinets en kevlar et cuir et une magnifique canne en rotin argentée. Il a fallu tester le matériel et l’air de rien, nous avons utilisé la peau de ma soumise pour percevoir les propriétés de chaque objet. Ce n’est pas conventionnel mais il faut comprendre le mode d’emploi . Alors, un avant-bras par ci, une cuisse par là on servit de support de démonstration. Gwen était bien sur ravie. Nous avons devisé longtemps (nous sommes revenu le lendemain pour tout dire) sur les produits mais aussi et surtout sur “la scène”. Et je ressenti une pointe de jalousie lorsqu’il qu’il me fit état de leurs soirées entre amis. Sans être sur Fetlife ou un autre réseau. J’avais la preuve devant moi que, définitivement, le BDSM sans internet existe. Et même un bdsm de qualité. Le bonhomme est adorable et sa compagne aussi. Nous sommes tous deux des accapareurs de temps et ce fut un peu le duel de bons mots. Il a bien fallu que je le traite de technicien et qu’il me classe comme artiste. C’est vrai. Je hais ces techniciens. Ils sont gentils, efficaces, capables d’agir en impact plus efficacement que moi. J’ai tout à apprendre d’eux et ils n’ont rien à prendre de moi. Je marche à l’empathie, sur le fil de la domination mentale. Je n’ai rien à leur offrir. Petit défaut des techniciens ? En soirée on aime les prendre pour ce qu’ils sont : des gentils frappeurs de cul, des flagelleurs courtois, des impacteurs polis. “Hey Gustave, tu voudrais pas fouetter ma femme s’il te plait ?”. On les aime, on les respecte mais ils sont le dominant sympa. Alors que moi, on me laisse dans mon coin, on me déteste presque cordialement. Alors je ne fouette pas les culs des dames en goguettes mais bon, je m’emmerde un peu aussi. J’aurais beau avoir l’air sympa et convivial, les gens pensent que je suis sérieux. Bref. Si vous me voyez en soirée, n’hésitez pas à venir parler ce sera cool. Si nous avons mené des conversations à bâton rompu entre hommes débordant largement du spectre BDSM, les femmes ne furent pas en reste. Gwen s’est laissé porter par cette femme qui allie charme, dynamisme et gentillesse. Elle a d’ailleurs réussi à voir de suite les tenues qui conviendraient parfaitement à la morphologie bigarrée de ma soumise, n’hésitant pas à lui proposer son aide pour les essayer, dont les deux magnifiques tenues achetées. Le spectacle des deux femmes virevoltant entre les toilettes rouge et noire valait vraiment le détour. C’était Pretty Woman version cuir. Revenons à cet homme qui n’est pas qu’un technicien mais aussi et surtout un passionné de son travail qui connait tous ses articles par cœur. Lui, c’est une encyclopédie non seulement de culture BDSM mais aussi de grandes tranches de vie professionnelles qui n’ont rien à voir avec l’érotisme. Je ne vais pas étaler sa vie qu’il m’a entrouvert mais c’est en tout cas le genre de gars qui en a vu des vertes et des camouflées et qu’il ne faut pas trop embêter. Mais c’est surtout la générosité et le partage qui est ressorti de ces heures passées avec eux. Il manquait peut-être une petite table et un café. Mais bon, c’est pas tous les jours que l’on reste des heures dans un love store. Vous êtes en train de vous demander de quel love store je parle. Avec leur autorisation, je vous révèle leur antre : c’est le Love Store Tentations de Puget sur Argens. Ma conclusion : enfin un endroit dont nous devons nous inspirer pour vivre nos sexualités alternatives. Que ce soit vanille épicé, libertin ou bdsm. PS : Allez-y de ma part. Vous n’aurez pas de ristourne. Ce n’est pas le but. Mais il est intéressant de voir comment le bouche à oreille fonctionne. PS 2 : ce n’est pas un article sponsorisé. C’est juste un texte sur une belle rencontre avec des gens ouverts et compétents. PS 3 : Non, il ne s’appelle pas Gustave. Illustrations : film Sex-shop, Claude Berri 1972
2 Commentaires
Alyse
4/9/2022 06:37:15
Joli aparté.
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Ethan
4/9/2022 11:00:47
Merci.
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Auteur
Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Novembre 2023
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