Il y a des institutions. Et certaines doivent rester en place. Dans leur jus. Dans ce qu’elles ont le plus d’iconoclaste voire décalé du monde dit moderne. Et quand je dis iconoclaste, je pense aussi à iconique. Je vis toujours entre deux mondes. D’un côté je souhaite que nous avancions vers un BDSM plus ouvert, plus accepté pour ses bienfaits et ses spécificités. Et de l’autre je fais toujours référence à l’Histoire, les origines et les expériences acquises qui sont le socle de nos pratiques n’en déplaisent aux kinksters millennials. Mon avis est que le SM, puis BDSM, a toujours le même déclencheur fantasmagorique. Peu ou prou : un a l’ascendant sur l’autre et la palette de plaisirs est plus large que la simple pénétration en incluant douleur, contrainte, discipline et échange de pouvoir. La modernité permet d’inclure les avancées des neurosciences. Enfin, l’ouverture d’esprit peut aussi faire accepter que les pratiquants ne sont pas des malades mentaux mais des êtres en quête de soi par le truchement de plaisirs bigarrés. Mais effacer d’un revers de main le passé du SM parce qu’il serait entaché de patriarcat et de consentement flou voire forcé serait une erreur. Oui, rétablissons des protocoles moraux et de sécurité mais n’oublions pas d’étudier les mœurs d’avant.
Oh je ne parle pas de l’Égypte antique ou des Grecs. Ni même celle de l’époque des lumières. Mais soyons honnêtes : on n’a pas inventé grand-chose de plus depuis les années 60. À part quelques accessoires électriques. Je l’ai déjà écrit et je le répète : on pourrait se contenter de suivre les préceptes au travers de deux ou trois livres. Par exemple The Slave Journals en découvrant les expériences des leathermen et comprendre l’amour au travers d’histoire d’O et enfin le dévouement et la psyché dans la Vénus à la Fourrure. Même si la problématique du consentement se doit d’être encore plus explicitée et que la soumission doit être comprise comme une force et non une faiblesse. Bref. Vous vous demandez où je veux en venir, comme d’habitude. Je parle de Cris et Chuchotements. Le club. S’il y a un établissement qui est l’incarnation des livres précédemments cités, c’est bien cet endroit. On s’imagine sans difficulté y voir Pauline Réage parlant littérature avec Catherine Robbe-Grillet, la pâle Salomé tirée en laisse par Mastermind pendant que Thom Magister attache un soumis en cuir et que Patrick Lesage fait une démonstration de martinet. Et ceux qui frôlent toujours son parquet noir prolongent cet esprit aussi courtois qu’extrême. Vous comprenez maintenant pourquoi ma soumise et moi nous sommes mis une pression de malade pour entrer dans cet établissement. C’est plus qu’un club, c’est une légende. Alors, bien évidemment, Cris et Chuchotements est décalé par rapport aux spectacles dans les salons de l’érotisme ou les pseudos châteaux mis en scène sur youporn. Côté déco, n’espérez pas des escaliers bien éclairés qui permettent d’avoir une démarche chaloupée sexy avec des talons de 18 cm. Non. Et ne vous attendez pas non plus à un sauna libertin friendly avec le dernier modèle de jacuzzi 14 places sur fond néon. Si tout est nickel, l’hygiène y est de rigueur, sa décoration est définitivement vintage comme figée dans le temps. Pourtant le mobilier est quasi neuf dans un style rétro qui se marie bien avec les murs de pierre et les passages voutés. En ce jour de décembre, nous entrons par cette petite porte et sommes reçus par le maitre des lieux, Pascal. Il est exactement comme je l’aurais imaginé si je devais faire un roman. Il est physiquement droit, sec, bien habillé. Décontracté tout étant rapide dans ses phrases. Mais il a ce regard vif et analytique qu’a tout physio de club. Il sait en une fraction de seconde si tu es déjà venu, ton niveau en BDSM et ton “genre” de BDSM. Dans notre cas ce n’est pas compliqué : couple cis semi-bourgeois blanc. Ce qui constitue à lors actuel presque un handicap en tant que client. Je fais appel à mes qualités de communicant pour m’entretenir de manière conviviale avec lui. Je trouve rapidement le point commun sur le passé médical. Ce n’est pas compliqué à deviner : vie intense avec des horaires de merde plus un peu de soucis et une hygiène de vie basée sur l’alcool professionnel et la cigarette. Ma soumise essaye de demander s’il y a un endroit pour se changer. Il répond que oui, là où elle est. C’est-à-dire devant le comptoir de l’accueil. Je souris et j'échange un regard complice avec le tenancier. Y a-t-il vraiment un vestiaire ? Elle ne le saura jamais. Toujours est-il que Gwen se voit obligée de s’exhiber pour finir de se vêtir en soumise de bon aloi sous nos regards complices. Je ne me fais pas d’illusion. Je sais très bien que notre hôte a vu 1000 fois plus de choses que je ne saurais en vivre. Mais c’est toujours agréable de se plier à des petits bizutages bon enfant. Nous avons droit à une visite par un habitué. Que l’on soit débutant ou simplement une première fois, on a droit à une visite guidée bienveillante. Nous descendons. Le premier escalier est étroit. Tout est très sombre. La pièce principale en longueur n’est pas très grande avec le bar dans le fond. Le mobilier semble confortable. Nous prenons un escalier en colimaçon pour remonter d’un autre côté et parcourons des petites pièces chacune avec leur spécificité : la salle de la cage avec banc à fessée et roue, plus une petite pièce avec un lit. Nous y trouvons un soumis apparemment auto attaché et nu, à genoux, les yeux bandés. Je le salue chaleureusement et j’ordonne à Gwen de faire de même en lui branlant poliment la nouille. Non sans avoir demandé son avis à la personne qui nous fait visiter, plus habitué qu’il est des us et coutumes et surtout des clients. Gwen hésite beaucoup, bien évidemment. Nous sommes d’ailleurs impressionnés par l’ensemble du lieu et cette première rencontre avec le réel du club lui fait marquer un arrêt. Puis elle s’exécute rapidement. Je veux qu’elle soit apte à obéir dans n’importe quelle circonstance pour apprendre à s'adapter mais aussi à considérer ses paires et leurs fétichismes. Nous continuons notre visite et je tombe en amour sur un boudoir type bibliothèque que j’adore tout de suite. Je me vois très bien sur ce canapé en train de donner des ordres à Gwen. La voir à genoux et obéir. Je rappelle qu’une de mes envies particulière est toujours celle d’une séance à 4 où deux doms ou domme/dom agissent de concert sur deux soumises ou soumise/soumis. En discipline pour commencer. Oui, je profite de mes textes pour faire passer mes annonces. Nous redescendons. Dans l’enfilade du bar, il y a aussi une petite pièce en alcôve et une petite salle double contenant croix de saint André et balançoire (une vraie). Si la décoration est vintage, tout est impeccablement propre. Chaque pièce a ses accessoires de nettoyage. Tout le club baigne dans une ambiance assez sombre dans une dominante rouge et noire. L’ensemble est à la fois cosy, chaleureux et vibrant d’une aura qui souligne les expériences bigarrées dont il est le réceptacle. Il y a très peu de monde ce premier soir mais c’est idéal pour nous qui nous frottons petit à petit à la réalité. Nous formons un petit cercle avec le patron, une domina en herbe, deux hommes en civil qui se révèleront soumis et un couple dont c’est la première fois aussi. Les gens sont sympathiques et les conversations conviviales. Puis la domina se laisse aller en faisant se déshabiller les deux soumis. Ni une ni deux les hommes se transforment en larve obéissante. De notre côté, je donne aussi le signal et emmène ma soumise jusqu’à la croix de Saint André. Je l’attache et il me vient une idée. Je retourne voir le couple et demande si l’est possible à la soumise du monsieur de venir enlever le string de ma soumise. Ils acceptent le jeu. Là survient un évènement auquel nous devons tous nous habituer. Débordant mon autorité tout en me prévenant, la soumise demande à Gwen si elle est consentante à ma demande. Gwen acquiesce et lascivement la soumise lui ôte son string offrant un très joli spectacle aux deux doms ainsi qu‘aux soumis qui trainent à quatre pattes dans le coin. Nous devons désormais nous habituer à ce que le consentement soit vérifié et vérifiable à chaque instant et par n’importe qui. Ceci pouvant interférer dans la relation hiérarchique entre dom et soumise. Mais nous devons endosser des responsabilités non seulement en vérifiant l’état moral et physique de notre soumise à chaque étape, mais aussi celui des autres protagonistes que nous croisons. Au final c’est un très bon garde-fou pour l’égo des dons qui ne sont pas omnipotents. Par contre, oui, on doit faire des efforts pour reprendre le contrôle de sa soumise dans ces nouvelles conditions. Ce n’est pas la mer à boire, c’est un ajustement à intégrer dans notre manière d’interagir. Bref. Le temps que j’explique cela, le couple est parti dans la pièce adjacente et le dom commence à flageller le postérieur de sa soumise qui s’est mis en position sur le petit canapé. Les deux soumis en string et néanmoins en cravate sont agenouillés et profitent du spectacle des deux couples tout en obéissant à quelques ordres de la domina. Je chauffe le cul de Gwen avec mon martinet kevlar puis je décide de changer d’accessoire. Je retourne dans la pièce principale pour prendre ma canne en osier que j’adore. Le temps que je revienne, je surprends un des soumis accroupi en train de reluquer la chatte de ma soumise à 15 cm. Mon sang ne fait qu’un tour et ma canne en osier claque par réflexe sur les fesses du soumis. Je lui passe une branlée de tous les diables. - Qu’est-ce qui te prend de reluquer ma soumise d’aussi prêt sans y être invité ? Alors je m’éclipse 30 secondes et c’est open bar pour les soumis ? Il se recroqueville et s’excuse. Comme je ne connais pas ses pratiques et ses envies, je ne peux pas le punir à ma guise. Mais puisqu’il semble très intéressé par l’intimité de ma soumise, je lui ordonne de se mettre à genoux et de lui lécher le cul de manière péremptoire. Il s’acquitte de sa tâche avec zèle. L’ambiance commence donc à chauffer mais dans ces jours où il n’y a pas grand monde, la soirée se termine tôt. Nous partirons très heureux de cette découverte. Comme dit Pascal, notre hôte : chaque soirée est différente mais il se passe toujours quelque chose d’intéressant. Cris et Chuchotements est une institution. Elle garde en elle toute la mystique du BDSM dans une ambiance surannée mais chaleureuse. Des accents de modernité avec une clientèle originale et extrêmement conviviale. Je me sens plus à l’aise à Cris & Chuchotements que dans n’importe quel club libertin qui veut absolument se présenter à la mode au détriment de l’authenticité. Ici, il y a un faste de l’habillement, de la courtoisie, d’un savoir-vivre qui accompagne le savoir-faire. On y croise tout type de personnes sans distinction ni jugement. On peut y être qui on veut et faire ce que l’on veut. Dernièrement nous sommes retournés à C&C et cette soirée fut encore plus intense, mais ce sera pour un autre épisode. Ethan
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Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Septembre 2024
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