J’ai pour habitude de garder le meilleur pour la fin. Histoire de conclure sur une note positive. D’évoquer que c’est au milieu du désert que l’on trouve les plantes les plus extraordinaires comme le pavot d’Arizona, la rose du désert ou le nopal. Mais ce texte est devenu un brulot trop long. Je vais donc commencer par le meilleur pour aller jusqu’au pire. Celles et ceux qui veulent rester sur une note optimiste pourront donc s’arrêter après 3 paragraphes. Gwen et moi sommes allés au salon EroSexpo. Pourquoi ? Parce qu’on s’emmerde dans le monde du sexe alternatif. Après des rencontres libertines négatives, un munch & play intéressant, nous étions excités à l’idée que des gens organisent un salon érotique avec une partie BDSM. Tout d’abord, imaginez que je sois devenu un vieux con. Ajoutez à cela que les victimes d’AVC, dont je suis, deviennent irritables, vous avez toutes les bonnes raisons de ne PAS me croire quand je dis : nous avons visité EroSexpo, c’est nul à vomir. À EroSexpo, il y a quand même du positif c’est vrai. Comme à chaque fois ce genre de visite réserve ses belles surprises. Et vous serez étonnés, ou pas, de découvrir que le BDSM positif n’était pas dans la partie qui lui était réservée mais à l’entrée. Particulièrement dans deux stands tenus par des passionnés ou de vrais auteurs. Celui de Fetish-Studio qui propose de faire des photos fetish de qualité avec des tenues latex, des accessoires et même de poser au choix avec une domina en cuir et deux soumis travestis dont une magnifique carpette. Leur présence est à aborder comme une performance et pour se faire connaitre plus que pour l’argent car à 20€ la photo, cela ne paie même pas le décor ou les tenues cuir et latex. Le stand est esthétiquement intéressant, l’offre originale mais surtout un relationel convivial et entrainant. Autre belle surprise, la présence sur un très joli stand alliant peinture et littérature de Mhell Lectra qui dédicaçait son livre. Cela respirait aussi la bienveillance, la qualité, la beauté. Personnellement j’évite de lire les livres sur le BDSM à la fois pour ne pas me filer le blues (le mien est en retard) mais surtout pour ne pas me faire influencer (ni en bien, ni en mal). Gwen le lit en ce moment et me dit qu’il est bien écrit. Voilà, ça y est. Vous avez presque tout lu sur l’aspect intéressant d’Eros Expo. La suite est une lente et inexorable descente dans l’exploitation commerciale de la misère sexuelle. Cela ne nous a pas empêchés de faire marcher le commerce avec presque le seul outil valable de tous les exposants : un masseur vibrant dont je justifie l’achat par la nécessité d’agrandir les possibilités de l’aftercare. Pas un sextoy, un vrai engin de massage du corps avec de l'huile. À tel point que cela plait autant à mes enfants qu’au chat. Il y a deux parties dans cette exposition. La partie que l’on nommera classique et néanmoins superficielle. Bien évidemment la majeure partie des exposants font tout leur possible pour que leur stand soit attrayant. Ils sont affables, connaissent bien leurs produits. Ici des habits libertins de bonnes factures, là une créatrice de mode libertine, la seule à faire des prix “salon” avec moins 20 %. Et puis il y a le reste, 90 % de toc, le bas de gamme, étalé sur des tréteaux avec à peine une nappe. Des fringues qui ont fait 15 000 kilomètres, qui côtoient des huiles qui ont été stockées au froid glacial puis à la chaleur étouffante. Il y a aussi cet immense ilot central, une espèce de Tati du sextoy où l’on trouve de tout sauf de la qualité. Un stand fourretout tenu par des Allemands gentils (ou était-ce des Belges néerlandais ?) Pourquoi allemand ? Parce que quand on prononce herrschaft! avec l’apostopheu on a le teuton qui pointe ? Commercialement parlant, les organisateurs n’ont pas trouvé de partenaires français pour exposer des accessoires ? Vraiment ? Une mention spéciale pour les danseuses privées qui semblaient galérer à trouver des clients. Tellement légèrement vêtues, gentilles et accessibles. Elles font tout leur possible pour attirer le chaland dans leur petite tente pour un show privé. J’y serais bien allé mais, honnêtement, il y avait une telle dichotomie entre la beauté des danseuses et la pauvreté des guitounes que l’envie n’y était pas. À l’instar de cette “scène” où on peut assister à un spectacle pornographique avec son matelas jeté à terre, des chaises de conférence sous un éclairage cru. Ne vous étonnez pas, c’est un spectacle Jacquie et Michel. J’ai failli vomir. Qu’on enterre bien vite ces ignominieuses façons de faire… Si on trouve de tout dans cette première partie de l’exposition voici surtout ce qu’on ne trouve pas , ou rarement : de la qualité. Pas une seule bonne marque d'accessoires. Pas de Liloo, Womaniser, Clara Morgane (dont je salue la qualité de certains produits). Le moins mauvais étant peut-être Glide en tube de 50 cl, format familial, comme si on se fistait tous les weekends. La raison en est simple : on pense connaitre la clientèle. Jeune et méconnaissante, venue pour s’encanailler et avec un budget serré. Déjà qu’ils ont dépensé entre 20 et 30 € pour entrer. On trouve donc des objets pas trop chers mais surtout dont on sait qu’ils ne sauront pas reconnaitre la mauvaise qualité. Car, dans l’absolu, on trouve beaucoup mieux et moins cher dans un love store de bon aloi. Bref, on a fait le tour en 10 mn et on a une seule envie : repartir bien vite en concluant par un “bof, très moyen”. Malheureusement l’aventure ne s'arrête pas là. Parce qu’après avoir effleuré la surface du fade, nous avons voulu visiter le monde de Sade. Rentrons dans le dark side, le côté obscur, sulfureux. La partie BDSM. Entrez, entrez mesdames et messieurs. Venez découvrir l’antre secrète du BDSM, la face cachée de la lune, la terre promise de la domination et de la soumission. Si vous n’avez pas froid aux yeux, vous verrez les plus beaux spectacles de bondage et fireplay, les plus belles esclaves, les plus grands maitres dont le seul regard vous fera mettre à genoux. Ils attisent les femmes, font pâlir les hommes. Venez assister au vrai hard : des scènes de sexe sans retenue, des shows privés pour tous les goûts et surtout sans limites. Vous trouverez les accessoires les plus cruels, les mobiliers les plus impressionnants. Et surtout, surtout, nous vous offrons enfin le cercle d’initiés pour pratiquer en toute liberté. Viendez avec vos fétichismes, vos tenues latex et vos envies, nous vous offrirons tous ce dont vous rêvez sans jamais avoir osé le prononcer. Enfin, offrir est un bien grand mot. Acquittez-vous d’abord d’un 4€ supplémentaire. Le vice a un prix. Pour accéder à l’antre de l’interdit, il est nécessaire de montrer sa motivation. Oh, nous sommes si excités ma soumise et moi. Nous nous libérons de notre obole et dans le couloir qui mène au paradis du BDSM, Gwen commence à enlever son écharpe pour montrer avec fierté son collier. Le cœur et notre pas s’accélèrent inconsciemment. Puis c’est la stupéfaction. Nous débarquons dans une grande salle sombre vide ou presque. Oui sombre car, bah, c’est du BDSM coco. C’est le monde de la night. 3 stands montés dans des barnums en plastique noir (bah oui, c’est ça le BDSM coco) avec une talentueuse et presque timide performeuse qui vend ses calendriers. Il y a aussi un autre auteur et parfumeur qui dédicace ses livres en vendant trois accessoires. Je dois avouer qu’il est le seul à sourire et à jouer le jeu du “oui j’existe vraiment et je ne suis pas impressionnant dans la vraie vie”. Il faut bien que quelqu’un tienne le rôle du David Guetta du BDSM. Parce qu’en troisième et non des moindres, un taciturne maitre plutôt connu avec sa jolie soumise seulement vêtue d’un harnais de corde. Nous sommes restés quelques minutes à regarder les accessoires jouxtant son stand. Là, le monde SM finit de s’écrouler. Il y a quelques floggers et des neuf queues factices. La même qualité que m’avait offert Gwen il y a quelques années quand nous n’avions pas le sou et que je souhaitais débuter avec un fouet. “Même qualité” veux dire plastique pourri made in china qui ne tient pas 30 coups. Alors débuter d’accord mais pourquoi les vendre hors de prix ? Sur Amazon ou en boutique, les martinets plastiques et colliers en métal coutent à peine 20 ou 30 euros. Et là ce sont exactement les mêmes modèles vendus le double ou le triple. Il y a un paradoxe. On ne peut pas montrer des pratiques impressionnantes sur du mobilier artisanal d’un côté et vendre des accessoires bas de gamme trop cher de l’autre. C’est comme si on faisait un défilé de supercars chez un concessionnaire Lada et qu’on vendait les voitures deux fois leur prix. Vous comprenez ce que je veux dire ? Ensuite, nous avons attendu une éventuelle démonstration, un signe, un frémissement. Fireplay, fouet, suspension, shibari, barbelé, un sourire ? Non. Pas une seule indication, pas une annonce micro. Rien. Malgré ce qui est écrit sur le planning de l'exposition, rien ne se passe ou presque. Cette vague impression d’être au bout de l’impasse et qu’il faut faire demi-tour. Mais je ne veux pas être trop dur envers les personnes présentes. Il est possible que nous soyons passés au mauvais moment mais je n’ai pas eu une impression d’ouverture. Bref, la partie BDSM d’Erosexpo ne tient pas ses promesses. Nous étions tellement éloignés des valeurs d’évolution personnelle, de découverte de l’autre, de l’acceptation des différences, des fétichismes et des envies. Quand j’entends sur les ondes l’évocation de valeurs comme la sécurité, la responsabilité, la pédagogie, le graduel, l’évolution, le respect, la confiance, le combat contre l’égo, etc. On ne peut pas accepter une vitrine divergente de ces préceptes. Un univers caricatural, une attitude éloignée du public, des produits inappropriés et hors de prix. Il est nécessaire de faire la différence entre le spectacle, certes exercé avec talent et celle de la pratique BDSM régulière. Quand on reçoit des béotiens, des curieux, il serait bien de leur tendre la main de manière pédagogique et de bien expliquer la différence entre performance et pratique accessible. D’autant plus que l’on montre, une énième fois, une partie parcellaire du BDSM à savoir le SM en oubliant tout le reste et particulièrement celle reliée au psychologique et les fétichismes associés. On peut dire ou penser que le BDSM est singulier, voire insolite mais il n’est pas élitiste. Et malheureusement c’est ce que j’ai ressenti là. Ma soumise me dit de me calmer en me massant les épaules. Je vais mettre quelques bémols. Nous étions dimanche, une bonne heure après l’ouverture. Peut-être qu’il fallait attendre qu’il y ait plus de visiteurs pour que l’ambiance chauffe un peu. Peut-être que si j’avais discuté avec les acteurs présents, on m’aurait dit “oh hier au soir à minuit c’était la folie, je ne m’en remets pas” dans un grand sourire. Bénéfice du doute. Reste un ressenti déplaisant d’un simulacre de BDSM. J’ai pourtant envie de m’excuser auprès de ceux qui depuis des années œuvrent de manière plutôt positive sur la “scène”, mais je n’ai pas réussi à rentrer dans cet univers. À EroSexpo le message envoyé est “regardez tout ce que vous n’êtes pas” alors qu’il pourrait être “ouvrez-vous à vos penchants inavoués”. L’espace d’un instant je me serais pris pour Jésus Christ face aux marchands du temple. Mais comme je suis loin de marcher sur l’eau, je ne fais que distribuer quelques pains sur mon blog. La semaine d’avant nous étions au Munch du Lug où, pour 10€, nous avons été reçus avec sympathie et bienveillance avec de VRAIS artisans et de VRAIS démonstrations et du VRAI play. Une semaine plus tard, nous sommes tombés à la foire de Barbie sadomaso et les dérivés du pétrole. Pour terminer sur une note positive : beaucoup d’admiration pour la plupart des artistes femmes et hommes qui se décarcassent pour offrir du spectacle et de la sensualité dans des conditions difficiles. De belles fleurs dans un pot pourri. Ethan Illustrations : Eth@n Dom
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Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Septembre 2024
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