![]() Ce fut une expérience abasourdissante. Ma soumise en mode joueuse me proposa de réaliser une rencontre avec un autre homme et/ou dominant. C’est un des détails du contrat. Nous sommes ouverts à ce que d’autres partenaires participent à divers degrés. Que ce soit un couple libertin, un couple bdsm, une soumise, un dominant ou un/e béotien(ne). Elle propose même un de ses « amis » dominant avec qui elle converse depuis des mois qui, derrière son côté un peu fantasque, semble doux et respectueux. Ma volonté est de trouver des sujets idéaux. La priorité étant de faire respecter la femme derrière la soumise. Pour ce faire, il m’est vital de converser, connaître la personne avant d’évoquer un scénario. Pourtant, l’occasion faisant le larron, j’acquiesce puis dialogue avec elle pour mettre en place les différentes étapes éventuelles. Le rendez-vous est pris pour le soir même dans un bar.
Première erreur. Le jeune homme se présente drapé d’une fausse assurance tentant de nous noyer dans des projets artistiques grandiloquents, des expériences bdsm mythomanes. Il s’écoute parler, avec son discours qu’il a calibré et y mettant toute sa passion. Sauf que dans son regard je peux lire « est-ce qu’il va me croire ? ». Ses arguments s’essoufflent d’eux-mêmes alors qu’il étale une culture geek trop restreinte pour être pertinente. Je me souviens de ce passage truculent où il me parle de montage vidéo et me dit sur le ton de la confidence qu’il existe un logiciel qui, une fois maitrisé, permet de devenir Spielberg. Et il prononce le nom de « Final Cut » ouvrant grand les yeux et la bouche en « O » comme pour dire « tu ne connais pas mais sache que ça c’est le Graal ». Je n’ai pas pu m’empêcher de m’esclaffer en lui disant que c’est un des logiciels que j’utilise depuis 18 ans (n’étant pas Spielberg pour autant). Cela ne l’arrête pas, il continue de lancer ses leurres. Passant de Hero Corp à Star Wars par le petit bout de la lorgnette, nous essayons cependant de lui montrer de l’intérêt devant le besoin évident qu’il a de briller. Je me dis qu’il est mal à l’aise et qu’un peu d’indulgence va lui permettre de se décontracter. Seconde erreur. Cela aurait pu être juste ennuyeux mais le pire arrive. Nous n’avons pas encore parlé BDSM, ni relation, jeux, scénario. Et encore moins de nous, ma soumise et moi. La commande de la première tournée n’est même pas arrivée. Rien. Il plaque la main de ma soumise sur la table pour y poser sa paluche boudinée. Je le regarde fixement mais il ne semble pas comprendre. Je sais d’ores et déjà que nous ne finirons pas la soirée avec le cuistre. Troisième erreur. Je tente de couper le flux de ses paroles insipides en parlant d’une de mes expériences. Faute de ma part, le félon n’en a cure et il profite de mon discours pour passer la main sous la table, la poser sur la cuisse de ma soumise l’obligeant à les écarter. Elle se débat sans vouloir faire d’esclandre puisque des touristes chinois sont à la table à côté. Emportée par sa peur primale accentuée par des années d’abus sexuels, elle est paralysée. pris dans mon monologue, je ne m’aperçois de ce manège qu’au bout de quelques secondes bien trop longues. Je capte le regard suppliant de ma soumise, je baisse le regard et m’aperçois du forçage. Quatrième et ultime erreur. Mon sang ne fait qu’un tour et le harceleur voit le dominant débarquer. D’une voix froide, directe et sans appel je le somme d’arrêter son tripotage. Le petit con ose me répondre « je croyais qu’on était là pour s’amuser ». - Pas sans mon autorisation ! Je plante mon regard dans le sien pour lui faire ressentir tout ma haine et mon dégoût. Une froide minute s’installe durant laquelle je réfléchis à la suite à donner. Vais-je lui faire la leçon ou écourter la soirée ? Nos verres ne sont pas terminés, je décide de continuer à siroter mon whisky et lui faire comprendre quel petit être il est. Non pas en l’instruisant sur la conduite à tenir en BDSM mais en lui démontrant la médiocrité de sa vie, l’étroitesse de son esprit. Je lui pose des questions sur sa vie et démonte une à une ses certitudes feintes. Le boulot : non, tu n’es pas un poète qui vient d’écrire son quatrième recueil. Poète n’est pas un travail, surtout non publié. Non, tu n’es pas un écrivain de scénario de science-fiction, tu es un mythomane qui confond jeu de plateau et rêves d’adolescent. Non, tu n’es pas dans la planification de l’emménagement de jeunes soumises dans ton studio, tu es victime d’une arnaqueuse du Bénin et d’une EMO dépressive en recherche d’un squat. Non, tu n’as pas dominé un couple en donnant des instructions précises, tu as juste eu l’occasion de tchatter avec une domina à qui tu as donné une idée de jeu auquel tu n’as pas participé. Adolescent, c’est le mot. Je me trouve face à un mec de près de trente ans dont l’esprit s’est figé à 14. Seul souci c’est que cet ado a des érections et aucune idée de la manière de se comporter en société. Alors ne parlons pas d’attitude minimum à avoir en le milieu BDSM. Parce que, petit gnome, qui croit « être là pour s’amuser », on ne rentre pas dans une pâtisserie en plantant ses doigts dans les desserts. On reste sagement derrière la vitre et on demande poliment à être servi quand on te dit que c’est ton tour. Il faut arrêter la masturbation qui te monte au cerveau et te fait confondre tes fantasmes Youpornisé et la réalité. Oui, on a remarqué que tu essais d’inventer ta vie. Tu t’es cru dans l’épisode gonzo de XNXX où le livreur de pizza se fait sucer ? Tu confond objectif de vie et misère sexuelle. Et le jour où la réalité te sourit avec la possibilité de vivre un moment d’exception, tu n’as pas compris l’insigne honneur qui t’est fait et tu te précipites sur le buffet sans dire bonjour, sans demander l’autorisation. Te rends-tu compte que même un SDF affamé attendrait poliment qu’on lui tende une assiette ? Je m’aperçois en écrivant ces lignes que ce n’est pas totalement de ta faute. Je vois clairement que tu n’as pas eu l’éducation nécessaire aux moments opportuns. Tu as certainement dû te débattre dans ta vie. Et tu crois dans une fausse naïveté que la vie est comme ça : toutes les filles aiment se faire abuser et tu as le droit de le faire tant que tu n’es pas méchant dans ta tête. Le sens des responsabilité, l’observation et l’écoute des autres, l’ouverture d’esprit, le respect, le savoir-vivre, la curiosité des us et coutumes éventuels sont des concepts étrangers. Tu as dû te réfugier dans tes rêves pour survivre moralement mais tu évites la réalité qui te fait peur. J’ai tout autant de reproches à me faire. Je me déteste car, l’espace d’un instant, j’ai étalé ma science en oubliant d’être attentif envers ma soumise. Je n’apprécie pas non plus paraître comme un vieux con faisant la leçon empreint de certitudes sentant la naphtaline. Car nul doute que c’est ce qu’il a ressenti. Je n’ai fait qu’ajouter à ses certitudes l’impression que dégage certains doms que je n’apprécie pas. Figés, possessifs et compassés. Bien évidemment, Shrek a senti que tous ses jolis discours ne tenaient pas la route. Il a terminé en étant sincère pour une fois en parlant du fait qu’il ne désirait qu’une seule chose : trouver le grand amour. Ses yeux étaient humides. Et au lieu de ressentir de la compassion pour lui, je le conchie. Car notre propre détresse n’est pas une excuse pour faire du mal aux autres. C’est une motivation pour comprendre nos semblables, s’améliorer et évoluer soi-même. Je condamne d’autant plus qu’il était censé être un « ami » de ma soumise. Il connait le passé douloureux de Gwen, on parle de harcèlement dans l’actualité brulante, nous n’avons pas dit que c’est « open bar » bien au contraire…Comment peut-on se tromper à ce point ? Alors oui, je pointe du doigt un homme, mais au final, je constate une attitude. On a les queutards, les pervers narcissiques et là j’ai rencontré l’idiot du village. Mais c’est tout le village qui est idiot. Le village global des frustrés de la vie qui ne font pas la différence entre harcèlement et séduction, bondage et tripotage, expérience et mythomanie. Peut-être lira-t-il ce texte. Il sera révulsé et dans l’incompréhension. Alors, je m’adresse à toi d’une manière claire et simple : remet toi en question ou arrête le BDSM. Vraiment. Donc, le prochain candidat, je le choisie, le questionne bien avant, lui donne des instructions précises et lui martèle le cerveau jusqu’à ce qu’il comprenne qu’une soumise est une femme immensément respectable et qu’il doit être éblouie par les trésors qu’elle offre. Il n’y a que moi qui traite ma soumise de salope et c’est un mot d’amour. Ethan Illustration : Eli Wallach et Clint Eastwood (qui à ma connaissance ne sont pas bdsm) dans Le bon, la brute et le truand, Sergio Leone, 1966.
4 Commentaires
Ellajenesaisquoi
10/1/2019 18:07:42
Hello. Oui je crois que la quête d'un troisième partenaire doit se faire avec moultes précautions car entre les souhaits des uns et les fantasmes des autres, c'est plus compliqué qu il n y paraît au départ de s'accorder. Une des solutions qui nous a plutôt réussi est que le dom , vous en l'occurrence, impose son scénario et son autorité en tant qu organisateur en fixant les règles , à prendre ou à laisser. Mais il y a fort à parier que linvité une fois choisi acceptera de respecter votre cadre, trop heureux de la bonne aubaine.
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Ethan
10/1/2019 23:24:02
Merci pour votre jolie réponse.
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LuA73
23/6/2020 23:18:08
"une soumise est une femme immensément respectable et qu’il doit être éblouie par les trésors qu’elle offre.
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ethan
26/6/2020 08:56:38
Quel que soit le sérieux, l’envie de vivre les choses à fond, il est nécessaire d une pas oublier que nous sommes des êtres humains égaux.
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Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Novembre 2023
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