![]() Abordons un phénomène auquel nous sommes confrontés chaque jour et particulièrement sur les réseaux sociaux comme Facebook : celui de la pensée groupale (Groupthink), ou effet Janis. Avec, comme d’habitude, son application dans le BDSM.
L’effet Janis a été évoqué par William H. Whyte en 1952 puis étudié et expliqué par Irving Janis dans les années 70 : « Un mode de pensée dont les gens usent lorsqu'ils sont profondément impliqués dans un groupe uni, quand le désir d'unanimité des membres outrepasse leur motivation à concevoir d'autres solutions de façon réaliste. » C’est à dire que dans le désir d’homogénéité, les membres se conforment d’eux-mêmes à la pensée commune sans la remettre en question, en refusant en bloc toute proposition contraire aux idées du groupe. Cette attitude confine à des prises de décisions irrationnelles, alors qu’un individu sans la pression de ce groupe aurait prit une décision différente. 2 symptômes principaux émergent : - l’illusion collective : illusions de moralité, de rationalité, d’unanimité et d’invulnérabilité du groupe ; - la censure collective qui s’applique à soi-même et aux autres. Les conséquences de l’effet Janis sont connues avec des exemples très connus historiquement comme le fiasco de la Baie des Cochons. Il peut aussi expliquer la disparition des téléphones Blackberrys. Plus proche de nous, c’est aussi l’effet Janis qui sont les causes de harcèlement en milieu scolaire ou dans les entreprises. On pourrait penser qu’internet libère l’esprit puisqu’on peut avoir accès à beaucoup d’informations de divers bords permettant ainsi de se faire une opinion « non influencée ». Mais en fait, de par un effet de grégarisme virtuel, selon l’ethnographe Alexandre Enkerli, l’effet Janis se reproduit par un phénomène de « chambre d’écho ». Je pourrais expliquer plus en détails, mais je vous incite simplement à découvrir vous renseigner par vous même. Je souhaite ramener ce phénomène à notre monde BDSM. 2. Les maîtres soumis, les soumises maîtres. Des groupuscules Janis se forment naturellement par accointance. Des amitiés qui s’homogénéisent et qui réduise petit à petit l’individualité jusqu’à former une mini tyrannie de la majorité. La « pensée moutonnière » nous donne à assister à des paradoxes presque amusants :
Contrairement au pervers narcissique qui est un prédateur solitaire même s’il est social, nous avons là un groupe auto suffisant par la pensée qui agira à l’intérieur, comme à l’extérieur, comme une broyeuse d’individu. 3. Vices et conséquences L’application de l’effet Janis dan le BDSM a des effets dévastateurs. Une fois de plus l’interdépendance D/s accentue l’effet de destruction des personnes qui se vont rejeter. Les conséquences sont multiples :
L’effet pervers est que ces groupes sont constitués à quasiment part égale de soumis/es et de dominants/es. Ainsi, l’aspect « jury de pairs » accentue la sentence. C’est la double peine : le rejet d’une caste et la perte de l’identité bdsm. Une autre conséquence de l’effet Janis, peut être le plus pernicieux est celui de la sphère d’influence. Ceux qui sont fondateurs ou solidement ancrés dans un phénomène de groupe ont une influence sur ceux qui gravitent autour sans en faire véritablement parti. C’est le cas sur les réseaux sociaux avec les contacts à distance. Et surtout dans le sens rural vers grande ville car un groupe Janis perpétue en réel ses activités. Un cas typique : un personne qu’elle soit dominante ou non, débutante ou expérimentée, mais qui fait son bdsm dans son coin, sera fascinée par la vie « trépidante » d’un groupe soudé. Des rencontres, des munchs, des sorties en clubs, des contacts foisonnants et même des promesses sexuelles (« ha si seulement tu étais avec nous ici, on s’occuperait de toi »). Plein de délices dont le groupe va faire étal pour imposer sa vision. Ainsi, presque naturellement, par envie, la personne se pliera d’elle même à l’avis et aux habitudes du groupe. Sans s’en apercevoir, en pensant « choisir son camp », en croyant rester autonome, il perdra son individualité, sa capacité de raisonnement propre par envie d’adhésion a un club plus puissant. La plus dangereuse des conséquences de l’effet Janis c’est que les décisions, les mises au banc, ne sont tiennent pas compte des risques potentiels sur un individu. Chacun ne voyant pas sa responsabilité personnelle puisqu’elle est effacée par la cohésion de groupe. Conclusion : vous êtes plutôt tricard ou Janis ? Je vous invite à revoir les posts des groupes avec en tête l’idée de l’effet Janis. Et vous verrez une forme systémique. Souvent un post d’un membre dont la teneur ne plait pas, se verra admonesté par un membre qui sera très vite rejoint par « sa bande ». L’air de rien, sans que les liens soient visibles, la pression s’accumulera. Et cela dans un sens positif (celui d’éjecter un prédateur par exemple) mais le plus souvent négatif (jeter l’opprobre sur un « mauvais » maitre ou une « mauvaise » soumise). Ma conclusion est : si ce texte déplaît, vous êtes probablement sous l’influence d’un groupe Janis. Si ce texte vous indiffère, vous êtes un membre actif d’un groupe Janis. Si ce texte vous interpelle, vous êtes, ou avez été, victime d’un effet Janis. Victime voulant dire : être la cible de décision groupale. Mais aussi ayant vous-même agit en tant que membre d’un groupthink. Je laisse la vraie conclusion à Philippe Geluck : ”Un groupe de loups, c'est une horde. Un groupe de vaches, c'est un troupeau. Un groupe d'hommes, c'est souvent une bande de cons.” Ethan Illustration : Le village des damnés (1960) de Wolf Rilla.
2 Commentaires
16/12/2018 15:01:25
Je découvre votre blog que J'apprécie petit à petit... J'aime bien ce texte... Si les moutons s'aimaient un peu plus ils ne poseraient des questions. A commencer par la première : mais pourquoi suivre Panurge ?
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Ethan
16/12/2018 15:28:29
Merci pour votre intérêt. De mon côté, je suis régulièrement votre site.
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Auteur
Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Novembre 2023
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