![]() Dans les mots écartelés, après avoir expliqué le non-sens de l’Alpha, intéressons-nous à son évolution tout aussi fausse : le primal. Et là je sais que je vais perdre des amis. Car je côtoie virtuellement pas mal de personnes s’y référant. Accrochez vous à votre nonosse, c’est pas méchant mais ça mordille. Plus on réfléchit, plus le sens diffère selon les personnes. A tel point qu’on peut trouver 3 définitions comportant le terme primal. Chez BDSM.FR, on peut lire :
« Primal = Primale (Primal), qui définit 1/ ceux qui veulent rompre avec les traditions en créant leur propre mode de vie sans règles pré-établies ou protocoles pré-définis. 2/ ceux qui se réfèrent à une sorte d'instinct primaire/primitif très animal. Predator Primal = littéralement Prédateur Primal (Predator Primal), qui cherche à chasser et à dominer sa proie." Tout d’abord, on va rire à gorge déployée sur la notion de prédation. C’est quoi le projet ? Lacher une proie en pleine forêt, la traquer pour lui arracher la carotide avec les dents ? Pourquoi pas…dans le cadre d’un jeu de rôle. Mais croire que l’on vit vraiment cela, c’est du pipeau. Ensuite, continuons de rire avec ceux qui « veulent rompre avec les traditions ». De quoi parlons-nous ? Peut-être avez-vous raté les nouvelles mais il n’y a pas de traditions. Il y a des pratiques diverses dans des cercles précis au fil du temps, des expériences qui se ressemblent, qui se reprennent et se nourrissent les unes les autres. Des idées qui ont un tronc commun sur des notions d’impact, d’obéissance, douleur etc…MAIS il n’y a pas d’école, pas de traditions, pas de diplôme, ni d’officielles façons de faire. On vit le BDSM que l’on veut en s’inspirant des autres et de ce qui nous plaît. Moi-même je ne suis qu’un homme seul qui milite sur des principes particuliers qui me semblent corrects mais je ne représente aucun courant, ni aucune philosophie du BDSM. Je ne suis pas les préceptes d’une soit-disant école anglaise, allemande, française, américaine ou japonaise. Je suis juste un blogueur qui milite pour des principes de complémentarité et d’humanisme au travers de sexualités alternatives qu’on aime à nommer BDSM. Je ne suis ni un exemple, ni le représentant d’un dogme. Je ne fais que donner mon avis, faire mes analyses et libre à vous de vous positionner sur mes écrits. Bref. Il n’y a PAS de traditions. Même si vous lisez le contraire quelque part. Même si vous avez envie d’une « cérémonie de la rose ». Même si vous croisez un adepte de l’école hollandaise et que cela le rend impressionnant car c’est le but : vous impressionner pour vous canner les fesses avec une pompe à vélo. Même si vous croisez des gens qui se disent grand ordonnateur, maître des clés, monsieur loyal ou clown triste. Et dans le sens contraire, s’affranchir de toutes les règles, revendiquer un instinct primaire est aussi une inanité. Exit le sens des responsabilités, les règle de sécurité, la complémentarité, l’aftercare, le respect…Il n’y a pas de traditions mais il y a quand même quelques points communs dans les pratiques dont on reconnait les bienfaits, voire la nécessité. Alors il y a certainement les aventuriers du BDSM, ou du moins ceux qui veulent se démarquer. Mais se référer à un « born to be wild » est un écran de fumée. Et surtout se mettre en opposition à quelque chose qui n’existe pas, c’est bien aussi prouver l’inutilité du terme primal. Enfin parlons de ceux qui se« réfèrent à une sorte d'instinct primaire/primitif très animal ». Mes préférés. Ceux qui ont certainement l’impression de ressentir des choses viscérales mais qui ne se questionnent pas sur eux-mêmes. Au final, ils se créent un univers propre, biaisé et surtout déresponsabilisant. Mais bref, jouons le jeu et intéressons nous à ce que font les primaux. Selon Kinkly.com, cela se cantonne à une « relation sexuelle plus animale et intense », « proche du loup et de l’ours », « qui peut inclure tirer les cheveux, grognement et griffures ». Voilà. Je pose ça là. C’est la vision à l’américaine : simplification jusqu’à la contradiction. Le primal n’est donc qu’une levrette claquée en poussant de cris gutturaux. Super. Pourquoi pas. Mais en quoi c’est du BDSM ? Parce qu’on griffe et qu’on grogne ? En fait , on passe à peine du vanille épicé au vanille moutarde à l’ancienne. Décortiquons cette baise primale : suivre son instinct et répondre à des besoins primaires. Comme celui de boire, manger et éventuellement se reproduire dans un bois sous la pleine lune. Il y a un paradoxe : si on est « primal », on devrait se contenter de faire les choses purement nécessaire. La reproduction par exemple ne peut être sophistiquée. Dans un monde naturel et sauvage où le danger guette, c’est levrette en 15 secondes où chaque protagoniste regarde à droite et à gauche si personne n‘attaque. Point. Donc il y a déjà un côté stupide de revendiquer un coté animal qui va être plus proche du lapin que du loup. Allons plus loin et essayons de comprendre. Etre primal c’est ressentir son animalité. Mais quelle animalité ? Nous ne sommes pas dans les rituels amérindiens où l’on rencontre son animal totem et qu’on se voit courir à 4 pattes dans la plaine, le poil au vent, ou survoler les plaines, plumes au vent.. Cet instinct n’a jamais existé. C’est une méditation induite par la drogue. Encore une fois si dans une démarche de recherche de soi, cela rend heureux un individu pas de soucis et tant mieux. Mais pourquoi se mettre en opposition à d’autres pratiques BDSM ? Sois primal, va galoper et tais-toi. Ce n’est pas un statut supérieur qui chapeaute tout autre. Si tant est qu’il reste une parcelle primaire en nous, c’est d’être un primate. C’est à dire, à l’instar de nos cousins les plus proches les bonobos : grimper dans les arbres, manger des fruits et se faire enculer pendant 3 secondes en guise de politesse. En neuroscience, ce qu’on appelle le côté primitif de notre cerveau se borne aux besoins vitaux comme respirer. Après, on essaie de détecter ou stimuler les zones de l’agressivité ou de la peur. Et l’aspect « primal » ce n’est que cela : essayer d’atteindre des sensations fortes de peur (s’enfuir ou rester figé) ou d’agressivité extrême. Et là encore c’est là où le bât blesse. Depuis quand perdre le contrôle est devenu souhaitable pour le dominant ? Le domspace peut être une récompense certes, s’il reste dans un cadre surveillé mais il ne doit jamais perdre le contrôle de lui-même et encore moins celui de la sécurité de sa soumise. Je vois bien l‘article dans le journal : « on avait une relation de sexe primale et quand j’ai repris mes esprits, elle était morte. Ha c’est nul le BDSM… ». Etre primal c’est juste un jeu de rôle qui ne s’affranchit pas des nécessités de sécurité et de responsabilité (même en TPE). Mais libre à vous de croire que vous êtes devenu un prédateur ou une proie galvaudant dans les steppes, sentant l’odeur de la femelle en rut pour l’attraper (ou se faire attraper) et l’égorger en la baisant à mort. On devrait même inventer un terme plus fort que primal. Que diriez-vous de lycan ? Vous savez les loup garous. Mais que dis-je ? Au moment où j’écris ces lignes, le terme existe. A mettre sur l’étagère à côté des marquis, barons, supermeister, vampire, satan, démon…Sur Fetlife il y a plus de 300 fiches contenant le terme werewolf, 700 celui de lycan, 45 groupes de discutions et 122 fétiches allant du loup et le chaperon rouge à la transformation en loup-garou). Et cela dans une recherche de 15 secondes. Derrière le primal, apparemment insuffisant pour se démarquer, il y a une ribambelle de sous étiquettes empruntés aux mythes et contes. Une fois de plus : il n’y a pas de mal à cela. Mais on est dans le ludique, éventuellement un fétichisme, mais ce n’est pas un statut recouvrant toute une sexualité alternative. Quand une soumise se pense primale c’est qu’elle souhaite ressentir des sensations pures ou extrêmes de peur. Mais ce ne sont que des afflux chimiques et donc un façon d’obtenir de manière un peu brutale un afflux d’adrénaline. Alors il faut le démarquer des vraies sensations de peur lors d’un vrai viol qui pousse à la dissociation et au traumatisme. Dans les blogs anglo-saxons plus proche du girly que du kinky, on conseille de faire du « primal solo ». C’est-à-dire pousser des cris gutturaux durant la masturbation. Et dans ce cas, la personne ne devient pas animale mais seulement bête. Toujours dans ces mêmes blogs, on insiste sur la notion de safeword et de consentement « malgré les inhibitions qui disparaissent…il est conseillé de mettre en place des limites indépassables ». Faudrait savoir… Animal oui, mais animal en cage quand même. Donc le primal c’est quelque chose orienté millenial. Je discutais il y a peu avec une amie qui a fait cette réflexion que je risque de répéter souvent : « les jeunes sont dans la sensation, pas dans la réalisation (Agnès) ». Et c’est ça le truc, le primal c’est un jeu de rôle un peu poussé qui permet d’explorer des sensations. Mais ce ne peut pas être une mode de développement personnel. Et c’est là que j’insiste sur le fait que « vendre » de la sensation, du spectaculaire, du hype c’est aussi un mode de manipulation. Essayer, tester c’est bien. Mais se faire entourlouper c’est possible aussi. Donc, essayons tous les fantasmes, tous les fétichismes, mais sortons de la consommation superficielle. Un primal est juste une personne qui imite ce qu’il pense être un instinct. C’est tout. Comme d’habitude, je vais dire le contraire de ce que je viens d’exprimer. Car il est vrai que j’ai ressenti, dans quelques cas de domination poussé, comme une « bête » en moi. Un être froid, indépendant. J’en ai eu peur il y a longtemps car je craignais qu’il puisse faire du mal à autrui. Mais je me suis aperçu que cet être bestial réfléchit. Il est juste détaché mais pas malsain. Au contraire, il a une force qui lui permet de soutenir sa soumise, de la guider avec clarté. Et donc, cette bête n’est pas instinctive. C’est, au contraire, un être purement logique, loin de la primalité. Il sera capable d‘être sans pitié dans ses gestes, dans la voix et dans ses ordres, mais il garde au fond de lui une conscience aigu de ce qui est bien ou mal. Donc ma conclusion est que cette bête n’est pas primitive. La vérité est qu’il est techniquement impossible de régresser à un instinct primaire de type animal. Il n’y a pas de zone du cerveau qui recèle en lui une façon d’agir purement primitive. Ceux qui traduisent ou qui pensent ressentir ce côté primal ne font que du mimétisme animal. Bizarrement ils se sentent plus proche du loup, l’ours avec qui on ne partage aucun lien a part d’être omnivore et de respirer, que du gorille. Et même le gorille est un animal social. Savez-vous d’ailleurs que ceux qui se prennent pour un ours que ce dernier hiberne avec un énorme bouchon dans le rectum ? Il m’est avis que si vous désirez être un ours vous devriez pratiquer le stretching anal. Et ceux qui se prennent pour des loups doivent savoir qu’ils ne sont pas chef d’un clan, mais chef de famille. Bref, tout cela n’est que simulation. Primal, wolf, etc…Pourquoi pas les oies du capitole… Face au primal et à l’alpha, on aime y opposer la sapiosexualité. Là aussi, l’homme intelligent a des limites. J’aime bien dire que j’apprécie des séances de léchage de cerveau. Découvrir une personne par son intellect. Sauf que, soyons honnête, « ce n’est pas la cervelle qu’on suce » (Patrick Timsit dans Pédale Douce). Ethan Illustration : La planète des singes, la série TV, 1974 Références Pour les anglophones : Définition du primal selon kinkly.com Articles à propos du primal qui évoque l’acte sexuel primal tout en disant qu’il ne « faut pas oublier le safeword et le consentement »….du coup, on primal ou pas ? Définition de primal chez bdsm.fr
0 Commentaires
Laisser un réponse. |
Auteur
Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Novembre 2023
Catégories
Tous
|