LE FOUET & LA PLUME
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Mais porte plainte bon sang !

8/2/2019

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En 2016,  Il y a eu 580 000 femmes et 190 000 hommes victimes d’agressions sexuelles. Parmi elles, on compte 52 000 viols et 37 000 tentatives de viols sur les femmes (3000 pour les hommes tout confondus).*
 
Moins de 10 % des victimes portent plainte.
 
Agression et BDSM
 
Les situations d’agressions sont diverses et variées. Le BDSM est à l’image de notre société malgré toutes les bonnes volontés, conseils et mises en garde. Ainsi, en liste non exhaustive, on peut :
  • Se faire harceler par les queutards (le cauchemar du quotidien).
  • Se faire briser moralement par des pervers narcissiques (on dit qu’ils ne sont que 3 % de la population…J’en ai en pourtant trop croisés).
  • Se faire frapper par des maîtres qui perdent le contrôle (« ton safeword, je m’en tape »).
  • Être victime d’attouchements par des encordeurs (« je t’avais dit que j’étais dangereux »).
  • Se faire violer par des faux dominants (« tu n’as qu’à assumer »).

Attention, je ne dis pas que le BDSM ne devrait pas être violent. Dans son essence le BDSM est impactant moralement et physiquement. Il demande de l’engagement, de la discipline et des connaissances. Mais plus que tout, il est basé sur la confiance. Et le grand jeu des débiles mentaux est de tromper cette confiance. La différence entre BDSM et vanille, c’est la même chose que la balade pour grimper sur le Mont-Blanc en basket en été contre l’escalade sur la face nord en février. Mais on est en droit d’espérer qu’il n’y aura  personne pour dire « vas-y prend ma main » et qui l’enlève au dernier moment en disant « c’était une blague ». On est en droit d’exiger que personne ne nous balance dans le vide.  On peut espérer pouvoir dire « stop je veux descendre » même si on a déjà fait la moitié du chemin.
 
Concernant le bdsm, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du cercle, certains partent du principe que la « victime» s’est mise en danger sciemment car elle pratique une activité potentiellement génératrice de situations à risques. Dans l’esprit du tout venant social, on voudrait faire la différence entre la personne qui se fait attaquer dans la rue au hasard et celle qui se met en situation de danger. Ce qui est bien évidemment une grosse connerie.
La seule différence que je vois c’est que dans un cas on ne connaissait pas son agresseur, dans l’autre on croyait le connaître.
 
Et même quand on connait bien la personne… Je vais réitérer les choses de manière claire : on peut être nue, encordée, le sexe offert et avoir dit oui 30 mn plus tôt pour des attouchements. Et on peut changer d’avis et dire stop. Qu’importe que le mec ait une buche de noël dans le caleçon, qu’importe qu’il soit frustré ou déçu. Il doit arrêter, c’est tout !
 
Enjoy the silence
 
Le viol au coin d’une rue, le harcèlement au travail, le martyr dans le couple ou les gestes qui vont trop loin dans la pratique bdsm, ont tous un point commun : quand le drame arrivent, la plupart des victimes ne parlent pas. Et ça c’est déjà le premier vrai problème. La libération de la parole est certainement le premier acte sur lequel nous devons travailler.
 
 
En bdsm, quelquefois certaines victimes arrivent à s’exprimer. Elles témoignent sur les forums.
 
Et la sempiternelle phrase arrive : « il faut porter plainte ».
  • Porter plainte pour vous-même. Le sous-entendu est « si ce que vous dites est vrai ». Vous savez, les gens veulent paraître gentils mais il y a toujours ce doute qui plane face à la monstruosité des faits.
  • Porter plainte pour celles qui se sont faites agressées avant. Qu’en sait-on ? Si on avait eu un doute sur d’éventuelles victimes existantes, on ne se serait pas jetée dans la gueule du loup.
  • Porter plainte pour les futures potentielles victimes. Petite couche de mauvaise conscience supplémentaire car si le méchant réitère on aurait donc une part de responsabilité.
 
Et ceux qui disent cela ne sont pas des victimes. Ce sont de soi-disant bons samaritains inconscients de ce que veut dire un viol ou un harcèlement. Pensant que la Justice est votre amie.
 
Hélas
 
On oublie que porter plainte c'est subir une nouvelle fois l’agression.
On oublie que l'attente et les diverses formalités sont autant de rappels de la tragédie.
On oublie que l’on devient un robot à force de répéter la même histoire au policier, à l’avocat, au psy, au procureur et, peut-être, enfin, devant une cour de justice. On en a tellement marre de rouvrir ces blessures à chaque fois qu’on a envie de dire « écoutez, coupez moi le bras et gardez le. Je préfère faire sans plutôt que vous laisser rouvrir les plaies à chaque fois sans anesthésie ».
On omet la capacité de nuisance de l’agresseur (statut, popularité, pression, faux témoignages, mensonges…).
On ne se rend pas compte des dommages collatéraux : le regard des proches (qui viennent d’apprendre que vous aimez le BDSM), le déni des autres, la pitié, la condescendance, le jugement avant le jugement
Et au final quand le connard n'est pas condamné, car en plus de la charge de la preuve on est dans une frange de la société "qui l'a bien cherchée", on meurt une seconde fois.
Parce que là, c’est la reconnaissance du statut de victime qui est niée officiellement. On va dire que rien ne s’est passé. Pire, on devient la méchante, la menteuse, la dévergondée.
 
 
Et on sait que même s’il est condamné, la satisfaction ne sera pas complète. La sentence n’efface rien, elle ne fait que reconnaître les faits et la victime. Épuisée, exsangue, on ne sort pas du tribunal en tressautant comme le jour où on a eu le BAC.
 
Alors, je ne dis pas qu’il ne faut pas porter plainte. Nous devons entourer les victimes, faire preuve d’écoute, se positionner dans ce combat et les encourager.
Mais j’aimerais qu’on comprenne aussi pourquoi beaucoup ne le font pas.
 
Sachez que quand vous dites «  mais porte plainte bon sang ! » vous vous dédouanez,  vous sous-entendez que cela puisse être faux, vous faites porter un poids supplémentaire à une personne qui est à terre. Entre deux choix douloureux, dont elle ne sortira jamais indemne, elle prend celui qui lui fera le moins mal.
 
 
Ainsi, elle préfère ne rien dire.
 
Elle préfère imaginer que le grille-pain tombe dans sa baignoire.
 
Elle rêve d’une pilule qui fasse perdre la mémoire.
 
Elle se dit que s'il recommence, cette fois il se fera prendre. Et là elle ira témoigner.
 
En attendant, elle préfère faire semblant d'avancer et d'oublier. Et pourtant, elle ne sera jamais réparée. Ces blessures, ce handicap, ces cauchemars resteront à vie.

 
Ethan avec l’aide et la supervision de Gwen
 
*source INED, enquête sur les violences sexuelles, tableau 6 page 26 .

illustration : Chula Angel

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    Auteur

    Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge.
    Le sérieux côtoyant dérision et érotisme.

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