En fait non, ce ne sont pas les libertins que je déteste. Les libertins, pour ceux qui philosophent un peu cette pratique, pensent que c’est au travers du corps que l’on fait exploser le cerveau. C’est une activité initiée par le charme et la beauté qui libère des endorphines et va donc noyer le cerveau de vagues de jouissances. Le tout enflammé par un contexte hors des mœurs bienpensantes. La transgression sociale est l’étincelle qui enclenche le tout mais l’ensemble de l’action est classique : les caresses stimulent le plaisir. Mais ceux que j’abhorre désormais au même titre que les simili maitre du BDSM ce sont les libertins soi-disant sensibles au BDSM. En fait nos cousins d’une sexualité alternative pensent maitriser les aspects du BDSM en jouant avec des fouets en plastique, une paire de menottes et des fessées. Mais ils ne comprennent pas que le BDSM traite l’esprit avant le corps. La discipline, le bondage, la mise à disposition sexuelle et plein d’autres fétichismes précis. C’est avant tout l’esprit que l’on vise en le poussant au lâcher prise. Il y a l’acceptation, la confiance, le chemin à parcourir dans un dénuement total où on rencontre l’autre et surtout soi-même. On pourrait arguer que le sadomasochisme met en avant le corps avant l’esprit car c’est avant tout l’impact qui précède la sensation. Or il s’avère que le dépassement de soi et celui du seuil de la douleur sont bel et bien un travail de l’esprit. Pour certains c’est la transformation de la douleur en plaisir, pour d’autres c’est se laisser traverser par la douleur. Mais au final c’est bel un travail de volonté, de lâcher prise et du cerveau qui surfe sur la vague de douleur.
Si on ne comprend pas l’intérêt de ces étapes, de ces façons d’aborder la relation, on rate alors l’essentiel des pratiques BDSM. Les libertins vont avancer l’argument qu’il faut vivre sa sexualité “sans se prendre la tête” en suivant ses envies, voire ses instincts. Mon BDSM est plus intellectuel : je m’intéresse au sens d’une envie, j’aime comprendre et reconnaitre les fétichismes au travers des actions. C’est mon trip. On pourrait donc dire “et alors ?” Tant que le plaisir est là. Tant que les protagonistes y trouvent de l’originalité pour découvrir de nouveaux aspects de la sexualité. Certes oui. Mais dans ce cas, restez conscient que c’est du libertinage épicé mais pas du BDSM. Et surtout, par pitié, ne mélangeons pas tout lors d’une rencontre. J’en connais qui vivent le libertinage comme un art de vivre à l’instar de la communauté BDSM. Mais quand on observe les libertins en liberté c’est-à-dire enfermés dans un club, on voit que l’afflue du sang dans le sexe des mâles empêche toute irrigation du cerveau. Œil fixe, faux sourire béat n’empêchant pas une légère bave suintant de la commissure des lèvres. Seul mot d’ordre martelé depuis des années qui reste le garde-fou : non veut dire non. La femme reste la récipiendaire du consentement même s’il est mis à mal à presque chaque situation dans un club. Mais bon an, mal an (ou bonne en matant), ça fonctionne. Tandis que les reines de la nuit baladent en petite tenue tout en lorgnant les autres filles et sur u beau mec éventuel. Le tout en faisant l’effort d’avoir une conversation quasi normale sur le prix de la baguette et que “la fête, c’est plus comme avant”. Mais que c’est mignon et excitant les moments où un couple, ou plus, commence à s’effleurer, se caresser. Et ce moment trouble où l’on ne se sait pas quel rôle on est censé jouer : voyeur, participant, cote a cotiste, simple passant ? Bref, les clubs libertins c’est un peu vague. Il suffit cependant de rester soi-même et de profiter du moment. Une autre raison pour laquelle nous avons décidé de tenter l’aventure libertine/BDSM c’est que du côté des sites BDSM c’est la misère. Fetlife reste un club plus intellectuel où l’on peaufine son égo et/ou sa réflexion l’air de rien. Et de l’autre côté c’est aussi le bureau des plaintes. Les soumis qui ne trouvent pas de dommes autres que vénales, les dommes qui ne trouvent pas de langue convenable à leur pied, les soumises blasées, les maitres célibataires qui veulent prendre en considération une soumise, les queutards qui se font passer pour des maitres… Mais pour la rencontre, surtout entre couple, en dehors des munchs, pas grand-chose. Ha si : du shibari payant. Et vous pouvez y aller, BDSMsutra, MAE, etc.…Même constat. J’ai donc envie de dire au même titre que mon annonce du début que je déteste aussi les pratiquants du BDSM. À un moment, vous n’auriez pas envie de mettre l’égo et le duo de côté, présentez fièrement votre soumise, flattez la croupe, plus ou moins fort d’une autre ? Pour enfin se pervertir dans un peu de stupre ? Sérieux. Vous avez peur de quoi ? Votre soumise ne va pas s’échapper. Les pratiquants BDSM sont assez “pré carré”. Du coup, mes fétichismes d’exhibition, de voyeurisme, d’orgie démoniaque et partouze BDSM, je me les mets sur l’oreille. Bref, tout ça pour dire que nous avons donc tenté de rencontrer des couples libertins se présentant comme férus de BDSM sur des sites libertins. Alors, après les salons de business érotiques, les sex-shops miteux, nous avons testé les rencontres libertines avec des couples “sensibilisés” au BDSM. Pas ceux qui ne connaissent pas et qui souhaitent découvrir. Non, ceux qui revendiquent un BDSM atteint par la voie du libertinage. Ceux qui pensent être un couple dom/soum. Ils sont assez peu nombreux sur les sites de rencontre. Et se revendiquer BDSM n’est pas toujours pas bien vu puisque certains libertins précisent avec force dans leur annonce : “pas de poil, crade ou SM”. Histoire de dire que certaines pratiques comme le sadomasochisme sont à classer au niveau de l’hygiène douteuse. Et je n’exagère pas. On en trouve quand même et ce qui surprend c’est surtout l’empressement de se rencontrer. Mauvais signe pour nous car ce qui importe c’est avant tout d’être sur la même longueur d’onde. On s’aperçoit vite que les scénarios trop cadrés, les conversations trop longues découragent. Il a fallu des semaines avant de trouver des personnes avec qui on se dit “si on tentait ?”. Au final, chaque rencontre fut au mieux déconcertante au pire désastreuse. Alors, certes, notre recherche est particulière. Nous ne sommes pas là que pour l’exhibition ou une suite de pratiques légères bondage et impact. Non, on veut de l’intrigant, du troublant, des soumises exposées et excitées. Nous, mais peut-être devrais-je dire, “je” veux ma soumise poussée à obéir (car elle est CNC), offerte à la vue et aux agissements (supervisés) d’un autre dominant. Je veux que ma soumise suce sur ordre. Je veux l’attacher et la cravacher. Mon fantasme, mon envie, c’est une amitié bonhomme avec un autre dominant. Un complice avec qui jouer et expérimenter avec nos soumises tout en commentant à haute voix. Être au diapason et scruter, ordonner, caresser, fesser, attacher, cravacher nos deux soumises. Mes envies sont précises. Je veux que ma soumise et sa soeur de séance se sentent exploitées, qu’elles perdent leur libre arbitre et jouissent par contrainte. Je les souhaite complices dans leur descente. Une sensation nouvelle car ce n’est pas une séance pour une personne qui va explorer son inconscient. C’est une exploration dans des caves obscures en se tenant la main d’une camarade de soumission. Alors que j’entoure cette envie d’un décorum ou d’un scénario plus ou moins sophistiqué, la réponse des couples libertins est invariablement “oui, oui” avec une légère impatience. Comme si c’était moi qui empêche les évènements de se dérouler. Bref. Nous sentons bien que cela va craquer dans les entournures mais nous tentons le coup en se disant que les personnes ont l’air sympa dans le fond et qu’ils ont envie d’explorer une voie originale. Je perdure à faire les mêmes erreurs : compter sur la bonne volonté des personnes en partant du postulat que tout le monde est naturellement gentil. Comme j’avais fait à l’époque de l’abruti, le dom et la soumise. La gentillesse n’est pas suffisante. Il faut une volonté d’aller vers l’autre, le comprendre et établir un pont. Car, une fois de plus, chassez le naturel et il revient en levrette claquée. Tout d’abord, les libertins essaient de faire plaisir au couple BDSM en feignant quelques positions et suivre quelques ordres. On sort de fausses menottes et des martinets en plastique estampillés 50 nuisances de scred. Mais avant que la soumise puisse ressentir les prémices du début de sensation d’emprise ou même un petit frisson d’excitation qui viendrait d’ailleurs, on commence fellation, cunnilingus, pénétration. Alors OK, bienvenue dans le monde du succédané et pas des sucés damnés. Mais on passe trop vite au raccourci du “jouir par le corps” et non par l’esprit. Le bat blesse, l’incompréhension s’installe avec son malaise. J’essaie, de ramener à des pratiques BDSM, préviens que chaque soumise n’obéit à la base qu’à son dominant et que chaque dominant se doit de demander l’aval de son collègue pour chaque acte nouveau. Peine perdue. Je finis par avoir des phrases polies mais de plus en plus nettes pour arrêter ce qui veut devenir une simple partie de jambes en l’air. On joue la montre, on fait une pause, on change de sujet et puis on se casse en remerciant “amicalement”. Avec le recul, je regrette de ne pas leur dire qu’ils ne connaissent rien au BDSM. En fait, c’est surtout de l’incompréhension mutuelle basé sur une méthode totalement différente que j’ai déjà évoquée : les libertins vont se transcender en baisant et faire exploser leur esprit par le corps. Notre BDSM est avant tout mental et les actes viennent souligner puis amplifier les sensations et les émotions. Les libertins soi-disant BDSM c’est comme les végans qui cherchent à manger des hamburgers avec des “steaks” de soja, ou des hot dogs avec des saucisses végétales au gout fumé. On ne peut pas manger un ersatz et croire que c’est aussi bien que l’original. Les libertins qui pensent avoir une relation dom/soum, c’est la stévia du BDSM. Dans le texte suivant, je fais donc une proposition de règles pour se rencontrer autour du thème BDSM. Petits florilèges des phrases de libertins vécues concernant le BDSM : - “Elle est soumise si elle veut bien” (oui, on appelle cela le consentement) - “Je fais ce que je veux avec elle. Je suis injuste et le revendique”. (Heureusement que ton injustice s’arrête à la fellation et à la pénétration). On notera que certains doms revendiquent une forme d’injustice pour que la soumise reste sur ses gardes. C’est rustre aussi. - “Aucun scénario ne résiste à l’envie” (un dominant qui ne maitrise pas une situation donc). - “On a rencontré ce maitre, il a pris ma femme par la nuque et l’a tourné vers lui. Et il a affirmé qu’à la manière qu’elle avait de ployer qu’elle était soumise. J’ai trouvé cela incroyable”. (Ou alors c’est un con avec une grosse poigne et ta femme n’a pas voulu attraper un torticolis). - “Allez tu vas m’embrasser avec la langue, ton maitre est d’accord” (bah non connard) - Ça t’excite de voir ton mec fouetter ma femme ? Je vais vérifier. (La encore sans demander l’accord de son maitre). Ethan Dom
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Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Septembre 2024
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