![]() Dernièrement sur un rezossossial dédié au BDSM, j’ai lu cette question : « Quelqu'un a-t-il/elle déjà pratiqué la torture jusqu'à l'évanouissement ? Dans quelles conditions ? Quelles étaient les sensations ? Et si en tant que Sado, vous réalisiez ce fantasme, comment mettriez-vous à profit la situation une fois le/la maso évanoui(e) ? » Je n’ai pas de jugement personnel sur l’auteur de cette question car elle à l’image de plusieurs autres qui paraissent incongrues. La génération Z (et un petit bout de la Y) s’ébroue et devient adulte, abreuvée de jeux vidéo, ayant appris le sexe au travers de youporn et ayant comme originalité supplémentaire la transmigration des idées. Par exemple, My Little Poney devient un fantasme viable au travers des Furry Sex. Quand je lis ce genre de question je ressens un énorme vertige. Vertige de la distance entre mon vécu et celle d’une nouvelle génération à qui on aimerait offrir quelques connaissances mais dont les biais cognitifs sont différents. Revenons donc à la question. Premièrement sur l'utilisation du mot "torture" comme si cela était un terme générique pour nommer une pratique. La "torture" ne doit pas exister. C'est même le propre du BDSM : on a listé une ribambelle de pratiques et de fétichismes précis pour éviter ce qui est, à la base, une méthode de coercition où on utilise la douleur avec un objectif. Notamment de faire avouer qu'on est un hérétique, un praticien de magie noire ou que le microfilm est planqué dans le talon de la chaussure noire du grand blond.
Quand j'entends le mot torture je sors mon revolver car résumer la pratique sadique à la torture c'est que le bourrin est dans la place. Il y a moult pratiques qui ont une origine guerrière : shibari, fouet, carcan, croix, menotte, etc...Le but du BDSM est d'enlever la partie mortifère d'un instrument pour en faire un outil de "plaisir". Je comprends que la personne ai utilisé "torture" pour aller plus vite. Mais j’aimerai attirer l’attention de tous sur l’utilisation des mots. La torture n’est pas une pratique. Ou alors appelez là « torture de loisir ». Vous allez comprendre ce que je veux dire : le viol est interdit, par contre le « viol simulé » est un scénario applicable. Les mots ont un sens. Nommer c’est rendre réel. Et la torture veut bien dire ce qu’elle veut dire. Ou alors, on voudrait faire dévier le sens originel d’un mot pour le moderniser. Comme le mot « formidable » dont l’étymologie latine et son sens sont « redoutable » et « terrible ». Quand on était formidable on inspirait la crainte. Mais je crois que le mot torture restera encore pour quelques temps synonyme de coercition et de douleur infligée de manière injuste la plupart du temps. Attention , cela ne veut pas dire que le BDSM n’est pas violent. Au contraire. La plupart des pratiques sont violentes, mentalement et/ou physiquement. Et doivent l’être de manière graduelle afin de rencontrer des sensations particulières et évolutives. Mais ce n’est pas parce que la manière peut-être violente que la torture est autorisée. Par contre, « torture » est utilisée dans la manipulation mentale pour exacerber la peur lors d’une séance à l’instar de « défoncer », « chienne » et autres mots élégamment dégradants. J’attire juste l’attention qu’a trop utiliser un mot, il devient banal puis acceptable et enfin acquis. La torture est au BDSM ce que la boucherie est à la gastronomie. Il n’y a qu’Hannibal Lecter qui transforme la torture en Art et c’est dans sa tête pas dans celle de ses victimes (enfin un peu leurs cervelles mais pas dans leur esprit). Seconde partie : "torturer jusqu'à l'évanouissement" est pour moi synonyme d'échec. Que ceux qui se disent fier d'avoir obtenu un évanouissement en lieu et place d'un subspace lèvent le fist. Et que ceux qui ont pour objectif de tomber en syncope en raison d'un dépassement de douleurs acceptable lèvent à leur tour une menotte. Un ami épistolaire témoigne que dans les grottes bien fréquentées il est monnaie courante que les barbares aient la main lourde pour faire mâle et que les soumis soient fragiles pour faire joli. Ceci ayant pour conséquence une moisson de pâmoisons de bon ton. je m'insurge. Si l'évanouissement est ordinaire, il ne peut être considéré comme normal. Et ce n'est pas moi qui le dit mais l'enseignement des leathermen par exemple qui savent de quoi ils parlent en matière d'impact. Donc, même une poignée de comateux de sévices n'est pas un objectif ou une habitude. Ce sont des aléas qu'on préfère éviter surtout que les réanimations sont saturées en ce moment. Et à force de minimiser toutes les conséquences possibles on enlève les éléments constituants qui font que notre pratique se rapproche de l'Art : le décorum, l'entrainement, la confiance, le plaisir, l'évolution, le partage, la fusion, le debrief et l'aftercare. Enfin la troisième partie de la question est « Et si en tant que Sado, vous réalisiez ce fantasme, comment mettriez-vous à profit la situation une fois le/la maso évanoui(e) ? ». Là on fait une pause, on respire : attoucher une personne endormie est un viol puisqu’il n’y a pas de consentement possible. Mais pour aller plus loin, je pense que là on touche le fond de la pensée du sadique en question qui n’ose avouer que son fantasme est bel et bien d’endormir et peut-être plus : assommer, tuer. Des fantasmes de toute puissance à priori qui est de toucher le paroxysme d’un dominant ou un dieu : le pouvoir de vie et de mort. Mais s’arrêter à cette explication pourrait faire penser que celui qui fantasmerait serait un tueur ou violeur en puissance et là encore ce serait inexact. C’est plutôt un acte de libération d’une personne dont on qui briderait la personnalité. Vous pouvez comprendre cette alternative dans mon analyse de « la philosophie dans le boudoir » de Sade où Eugénie finit par avouer qu’elle souhaite la mort de sa mère. Et cette pensée l’amène au paroxysme de la jouissance. Ce n’est pas l’accomplissement de l’envie de mort mais de jouir de l’idée qui libère du joug matriarcale. Donc l’envie de pousser sa soumise (ou soumis) à tomber dans les pommes est peut-être un vœux de liberté plus que celui de pousser la douleur au maximum de ses conséquences. Ainsi quand on évoque la suite de la question concernant le fait de « profiter de la situation », on s’interroge. Un dominant n’a pas besoin d’un corps pantelant pour en profiter. Il obtient ce qu’il veut en toute conscience de l’un et de l’autre. Ce qui confirme que dans ce cas l’homme souhaite plus la liberté que dominer. Et pour terminer parlons paraphilie. Le fait d’être excité par le fait d’avoir un/une partenaire inconsciente est la somnophilie. Dans cette paraphilie autant l’excitation de réveiller l’autre pour la baiser mais aussi de procéder à des attouchements alors qu’elle reste endormie. Et ce dans les deux sens puisque certaines personnes se masturbent en pensant être abusée durant leur propre sommeil (clin d’œil à ma soumise). Selon les psys, les somnophiles tendraient avec le temps vers la nécrophilie (faire l’amour à un cadavre). Mais bon si les psys étaient fiables à 100% cela se saurait. Donc, un fois de plus ce n’est pas parce qu’on a défini une paraphilie qu’on l’a comprise ou cernée correctement. Je vous invite juste à vous faire votre propre idée sur ce fantasme et vous projeter. On remarquera que la nécrophilie est différente de la pseudonécrophilie (être excité par l’idée qu’une personne vivante joue à être un cadavre ce qui sous-entend une forme de consentement). Ce qui est encore distinct de zombiphilie et de l’agalmatophilie (statue, mannequin, …). On peut se demander quelle ampoule s’allume dans la tête de la personne qui a envie d’abuser d’une victime évanouie. Est-ce proche de ce moment de jeunesse durant l’été où on partage le même lit que d’une cousine ou cousin et que la main glisse sur sa cuisse alors qu’il ou elle dormait profondément ? Ou est-ce issu d’un film un peu angoissant ou l’on endort les femmes avec du chloroforme ? Ou autre comme la transformation ou la répétition d’un trauma. Parce que la plupart des somnophiles fantasment sur les personnes dormantes ou évanouies, le moyen d’y parvenir est souvent une drogue. Dans le cas qui nous occupe c’est l’utilisation d’une torture « ludique » qui mène à l’évanouissement. Ainsi , au détour d’une question incongrue, on peut s’interroger et découvrir de nombreux facteurs très différents pour autant que l’on sache découper et analyser les différentes facettes. Pour ceux qui ont envie de fouiller dans la somnophilie, vous trouverez certainement quelques plaisirs à voir « Qui A Tué Bambi ? », de Gilles Marchand, 2003. Pour conclure et résumer : -Le mot torture doit être proscrit ou utilisé à bon escient. -En séance l’évanouissement est un échec. On doit déterminer l’état de le/la soum au fur et à mesure. -Abuser d’un corps évanoui est un viol car il ne peut y avoir consentement. -Avoir l’envie de profiter d’un corps évanouis peut avoir différentes origines qu’il est certainement intéressant de fouiller pour la recherche de soi. Et j'ai fait long pour que cela soit une torture mentale...Mais vous n'êtes pas évanouis. Ethan Dom Illustration : Hannibal de Ridley Scott, 2001.
2 Commentaires
15/7/2021 16:13:06
Bonjour,
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ethan
17/7/2021 21:35:24
Merci pour votre retour.
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Auteur
Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Novembre 2023
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